Personnes handicapées à Goma : survivre à la guerre, survivre à l’oubli

Depuis 2022, la ville de Goma accueille des milliers de personnes déplacées internes, fuyant les violences armées dans les territoires voisins du Nord-Kivu. Parmi elles, les personnes handicapées se sont installées tant bien que mal, espérant retrouver un semblant de stabilité. Parmi elles, des centaines de personnes handicapées enfants, femmes, hommes ont cherché refuge dans…


Depuis 2022, la ville de Goma accueille des milliers de personnes déplacées internes, fuyant les violences armées dans les territoires voisins du Nord-Kivu. Parmi elles, les personnes handicapées se sont installées tant bien que mal, espérant retrouver un semblant de stabilité. Parmi elles, des centaines de personnes handicapées enfants, femmes, hommes ont cherché refuge dans une ville déjà débordée. Mais la situation a brutalement changé fin janvier 2025, lorsque les combats ont éclaté en pleine ville de Goma, exposant directement cette population déjà vulnérable à des scènes de guerre intenses. Pris au piège entre les tirs, les bombardements et les mouvements de panique, de nombreuses personnes handicapées ont vécu des traumatismes supplémentaires, certaines perdant leur abris, leur matériel d’aide à la mobilité ou même leur santé. Aujourd’hui encore, leurs crises sont étouffées dans le tumulte des urgences humanitaires. Dans ce contexte de crise prolongée et aggravée, survivre à la guerre est devenu une réalité douloureuse, mais survivre à l’oubli l’est encore plus. C’est dans cet esprit que l’Observatoire pour la Défense des Droits des Personnes Handicapées (ODDPH) souhaite porter à l’attention du public et des partenaires la situation critique des personnes handicapées de Goma.

Durant la période des conflits, plusieurs personnes sont devenues handicapées suite aux blessures, aux explosions de bombes ou à la privation d’accès rapide aux soins. D’autres ont perdu leurs aides à la mobilité béquilles, fauteuils roulants, prothèses dans la fuite ou les bombardements. Le nombre de personnes handicapées à Goma a ainsi augmenté de manière significative, accentuant les besoins en assistance humanitaire adaptée, notamment en aides de marche et en matériel médical.

Les conditions de retour des personnes déplacées handicapées vers leurs milieux d’origine restent non réunies. Beaucoup d’entre elles continuent de vivre dans des familles d’accueil ou dans des conditions d’errance, dépendant de la charité, de la mendicité ou de maigres solidarités communautaires. Les infrastructures détruites, l’insécurité persistante, et l’absence d’un accompagnement spécifique rendent le retour impossible pour ces personnes, malgré leur profond désir de retrouver leurs foyers.

Dans les quartiers de Goma, plusieurs personnes handicapées alitées vivent sans prise en charge médicale. Ne pouvant pas accéder aux structures sanitaires, faute de moyens ou d’accessibilité, elles sont souvent livrées à elles-mêmes dans des maisons de fortune. Le manque d’assistance sanitaire à domicile est alarmant et fait peser un lourd tribut sur la dignité et la survie de ces citoyens oubliés.

Le quotidien des personnes handicapées déplacées est marqué par une lutte constante pour les besoins les plus élémentaires : se nourrir, se laver, se soigner, se déplacer. Les femmes et les enfants handicapés sont particulièrement exposés aux violences, à l’abandon et à l’exclusion sociale. Sans réponse ciblée, les principes d’inclusion et de non-discrimination restent des promesses non tenues.

La guerre a aussi laissé des blessures invisibles, profondes et souvent négligées : celles de la santé mentale. À Goma, la population dans son ensemble est marquée par un traumatisme collectif, aggravé chez les personnes vivantes déjà avec un handicap. Les bruits d’explosions, les déplacements forcés, les pertes humaines et matérielles ont provoqué des chocs émotionnels dont les séquelles sont palpables. Pire encore, plusieurs personnes ont développé des troubles mentaux à la suite de ces événements : crises de panique, états de stress post-traumatique, isolement, hallucinations, parfois même des épisodes de violence incontrôlée. Ces nouvelles formes de handicap mental, provoquées directement par la guerre, sont rarement identifiées ni prises en charge. Faute de plusieurs structures spécialisées, des personnels formés ou de programmes d’accompagnement psychologique pour répondre au besoin énorme en santé mentale sur la ville de Goma, ces personnes sombrent dans l’oubli, expose à la stigmatisation et à l’abandon. Il est urgent d’intégrer la santé mentale comme priorité humanitaire et de reconnaître qu’aucune reconstruction durable ne sera possible sans une prise en charge globale du traumatisme vécu.

Aujourd’hui, ces personnes ne demandent pas la pitié. Elles veulent simplement vivre dignement. Mais une question les hante : « Si nous retournons chez nous, nous allons commencer par où ? » . Sans un soutien coordonné pour leur réinsertion, leur relèvement et leur accompagnement psychosocial, le retour risque de renforcer leur marginalisation.

L’Observatoire pour la Défense des Droits des Personnes Handicapées (ODDPH) tire la sonnette d’alarme et appelle tous les partenaires étatiques, les acteurs humanitaires, les bailleurs de fonds, et les personnes de bonne volonté à soutenir les actions en faveur des personnes handicapées déplacées à Goma. Il est temps de faire de l’inclusion une priorité humanitaire, et non un luxe secondaire.


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